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Louis Gobet, la jeunesse en tête de peloton

15 novembre 2025
À 18 ans, Louis Gobet file sur les routes de l’Ain avec la détermination de ceux qui savent où ils vont. Cycliste au Bourg Ain Cyclisme et à l’ES Seynod, il représente cette nouvelle génération de sportifs sourds qui allient exigence, passion et ambition. Chez les valides, il court en Open 2 à la Fédération française de cyclisme. En handisport, il évolue en catégorie MS, le plus haut niveau du cyclisme sourd.

Sa vocation est née un été, presque par hasard. « J’ai découvert le vélo en regardant le Tour de France 2011 avec ma grand-mère, quand Voeckler portait le maillot jaune. » Ce souvenir tendre est devenu une boussole. Depuis, Louis n’a jamais cessé de pédaler, accumulant les kilomètres, les entraînements et les victoires. Très vite, il se distingue : champion de France sur route en 2022, 2024 et 2025, trois titres qui confirment un talent précoce et une constance rare.

Son entrée dans le monde du sport sourd s’est faite en 2022, à Ploërmel, lors de ses premiers championnats de France. « J’avais envie de les faire et, à ma plus grande surprise, je les ai gagnés. » Ce moment a tout changé. La joie, la fierté, et cette certitude d’être à sa place. « Depuis toujours, j’ai voulu être sportif de haut niveau, professionnel. » Ses résultats, année après année, le prouvent : l’évolution est constante, la progression visible, l’ambition intacte.

Aujourd’hui, son regard est tourné vers les Deaflympics de Tokyo 2025, ce qu’il appelle « le graal, la consécration de tout athlète sourd ». La préparation est exigeante, à la mesure de l’enjeu. « Elle est intense, avec un stress grandissant de jour en jour. Ma saison est plus longue que d’habitude, mais c’est satisfaisant de savoir pourquoi je fais tous ces efforts. » Derrière chaque sortie à vélo, chaque montée avalée, il y a un rêve en ligne de mire : ramener une médaille, pourquoi pas l’or, pour sa première participation.

Louis sait qu’il vit une aventure humaine autant que sportive. Ce qui l’anime, c’est aussi la rencontre, le partage, l’échange. « J’ai hâte de découvrir des sportifs du monde entier, d’échanger avec eux, de vivre ces moments forts avec toute l’équipe de France. » Il mesure la chance de porter le maillot bleu-blanc-rouge, avec cette modestie tranquille des jeunes qui ont déjà beaucoup accompli mais savent qu’ils ne sont qu’au début du chemin.

Sourd de naissance, Louis ne considère pas son handicap comme un frein. « Je ne me sens pas gêné quand je fais du sport. Peut-être plus fatigué mentalement à la fin d’une course, parce que je dois être plus concentré. » Il ne demande pas d’adaptation particulière : il s’est construit avec, naturellement. « Mon soutien principal, c’est mon père. Il m’aide beaucoup, dans tout ce que je fais. » Ce lien fort nourrit son équilibre, tout comme ses études en licence d’histoire à Lyon III, sur le campus de Bourg-en-Bresse, où il met aussi son énergie au service des autres en prenant des notes pour des camarades en difficulté.

Le vélo, pour Louis, c’est un prolongement de lui-même. Une école d’endurance, de solitude et de lucidité. « Ces moments seuls sur le vélo m’apportent une vision complète de moi-même, tant physiquement que mentalement. » Et quand il évoque ses victoires, ses mots trahissent la profondeur de son attachement à ce sport. « Lors d’une arrivée au sprint, j’ai ressenti comme un vide, une certitude de mes gestes, tout semblait ralenti… une sensation de flottement hors du temps. »

Ce qu’il aime, avant tout, c’est la liberté. Celle de rouler en plein air, de sentir le vent sur le visage, d’avaler les kilomètres sans barrière. Il rêve d’une reconnaissance plus large du sport sourd, « que nous puissions participer un jour aux Jeux Paralympiques, aux championnats du monde et d’Europe avec les autres athlètes handicapés ». Il rêve aussi d’avenir : devenir professionnel, voyager, traverser des continents à vélo, ou encore marcher un GR en Corse.

Louis Gobet avance vite, mais sans brûler les étapes. Il a cette maturité rare des sportifs qui comprennent déjà que la victoire n’est pas qu’une question de podiums, mais aussi de chemin parcouru. Et quand on lui demande un conseil pour les jeunes sourds qui rêvent de suivre sa roue, il répond simplement, avec le naturel des grands : « Les gars, foncez ! Sans aucun complexe. »

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