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Paméra Losange, le feu dans les jambes

12 novembre 2025
À 23 ans, Paméra Losange court avec une force qui ne fait pas de bruit mais qui fait beaucoup de lumière. Sprinteuse née à Sarcelles, en région parisienne, elle s’élance sur les pistes de 100, 200 et 400 mètres sous les couleurs de l’Entente Franconville Césame Val d’Oise, le club où elle s’entraîne avec la même rigueur que les meilleures athlètes valides. À chaque départ, un geste, un regard, une respiration : la concentration d’une athlète qui ne laisse rien au hasard.

L’athlétisme est entré dans sa vie par hasard, au collège. « J’aimais déjà courir. Et puis ma grande sœur faisait aussi de l’athlétisme. Elle était sprinteuse, comme moi. » Très vite, la jeune Paméra découvre qu’elle a un talent, une vitesse naturelle, une énergie qu’elle aime canaliser dans l’effort. Ses premiers chronos tombent, les qualifications s’enchaînent, et un jour, elle comprend qu’elle a le potentiel pour aller plus loin. « Quand j’ai commencé à réaliser de bons temps avec les valides, je me suis dit que je pouvais viser le haut niveau. »

Depuis, son parcours impressionne. Championne aux Deaflympics 2022 sur 100 m et 200 m, championne du monde 2024 à Taïwan sur 200 m, vice-championne de France 2022, championne de France 2023 et 2024, vice-championne d’Europe, finaliste aux Jeux Olympiques de la Jeunesse… Les lignes s’accumulent dans son palmarès, mais c’est surtout son attitude qui frappe : calme, humble, résiliente. Pourtant, son ascension n’a pas été un long sprint. « J’ai traversé une période très difficile », confie-t-elle. « J’ai fait une dépression après qu’on m’a refusé de participer à un relais à cause de ma surdité. En plus, j’étais blessée. J’avais perdu confiance. »
Elle parle de cette période avec pudeur, mais aussi avec une grande lucidité. « Ce que j’ai vécu m’a rendue plus forte, sur la piste comme dans la vie. Aujourd’hui, je suis plus mature, plus stable, plus confiante. J’ai compris que je ne devais plus abandonner. L’athlétisme, c’est ma passion, ma force. »

Sa surdité, elle l’assume comme une signature. « Grâce à mes appareils auditifs, je peux entendre le signal de départ quand je cours avec les valides. Aux Deaflympics, c’est différent : il y a un signal visuel, je cours sans mes appareils. Passer d’une course avec le son à une course dans le silence, j’aime ça. Ça représente bien qui je suis : une athlète capable de performer dans toutes les situations. »
Sur la ligne de départ, Paméra ne pense plus à rien. « Je ressens beaucoup de calme, mais un calme positif. Dès que le signal part, tout disparaît. Je ne pense plus, je cours. » Ce qu’elle aime, c’est cette sensation de liberté absolue, ce moment suspendu où tout se joue. Le 200 mètres est sa distance de prédilection. « J’aime le virage. C’est là que se jouent la puissance et la technique. » Et c’est souvent là qu’elle fait la différence.

Les Deaflympics occupent une place particulière dans son cœur. « C’est une grande fierté d’y participer. C’est comme les Jeux Olympiques ou Paralympiques, mais pour les athlètes sourds. Ça montre que la performance ne dépend pas de l’audition. » Pour elle, ces Jeux symbolisent le courage, la persévérance et le respect entre athlètes. « C’est une expérience unique, où je peux montrer ma force silencieuse. » Son objectif est clair : le podium. Mais au-delà de la médaille, Paméra veut prouver que sa surdité n’est pas une faiblesse, mais une force. « Je veux montrer qu’on peut briller dans le silence. »

Elle s’entraîne à l’INSEP trois à quatre fois par semaine, entre travail de vitesse, de technique et séances de musculation. Un rythme soutenu qu’elle concilie avec son BTS de prothésiste dentaire. « J’aime ce métier, il demande de la précision et de la concentration. Comme l’athlétisme. » À côté, elle aime bouger, conduire, voyager. « J’aime quand ma vie est active, ça me fait du bien mentalement. »

Paméra parle avec passion, mais aussi avec conviction. Elle le répète : le sport sourd manque encore de visibilité. « Beaucoup de gens ne connaissent pas les Deaflympics ni le haut niveau chez les athlètes sourds. Il faut plus de médias, de partenaires, de soutien. Pourtant, on s’entraîne avec la même rigueur, la même passion. » Elle se souvient encore du jour où on lui a refusé une sélection à cause de son handicap. « Ce genre de situation me donne encore plus de force. Ma place est sur la piste, au même niveau que les autres. »

Et quand elle s’adresse aux jeunes sportifs sourds, son message est clair : « Ne doutez jamais de vous. La surdité n’est pas un frein, c’est une force. Croyez en vous, travaillez dur et soyez fiers de qui vous êtes. On peut réussir et briller, même dans le silence. » Sur la piste comme dans la vie, Paméra Losange court avec la même intensité : celle de ceux qui ont transformé leurs blessures en puissance, leurs silences en victoire, et leur passion en lumière.

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