Signalement de violence
A+A-

Patrice Gerges, la fulgurante ascension

6 août 2018

Le champion paralympique 1992 est depuis avril 2017, Directeur Technique National de la Fédération Française d’Athlétisme. Jamais avant lui, un sportif paralympique n’avait occupé un tel poste.

Mon univers, c’est le paralympisme et l’athlétisme. 

Dans ces deux mondes qu’il rapproche en permanence, Patrice Gerges, 52 ans, a trouvé l’excellence. Champion paralympique sur 400 m aux Jeux de Barcelone en 1992, il est, depuis avril dernier, DTN de la Fédération française d’athlétisme. Un parcours exemplaire et unique. « Aucun sportif paralympique n’est devenu DTN, glisse-t-il sans fanfaronner pour autant. Je crois que j’ai toujours eu envie de faire bouger les lignes et de prouver que rien n’est impossible. Mais il faut être encore meilleur que les autres. »

Précurseur

Avec Christophe Carayon, ils ont été les deux premiers athlètes « debout » à figurer sur les listes de haut niveau. Patrice Gerges, amputé de la main droite qu’il a laissé traîner dans un hachoir à steak en 1968, a également, en 1998, été le premier handisport diplômé du professorat de sport. « J’ouvre des brèches nouvelles pour permettre à d’autres de suivre cette voie et tant mieux. »

L’ascension donne le vertige… Sept ans seulement après avoir intégré l’Insep pour apporter son expertise du handisport, il s’est vu confier les destinées des athlètes valides dans l’optique des Jeux olympiques 2020 à Tokyo et 2024, à Paris… Après les championnats du Monde l’an dernier, il aborde sereinement les championnats d’Europe, prévus à Berlin (Allemagne) du 6 au 12 août. « Je pensais rester six ans à l’Insep mais en 2012, Ghani Yalouz, nommé DTN de la Fédération française d’athlé m’a choisi comme DTN adjoint. » Alors président de l’US Créteil, Patrice Gerges mis en lumière par son travail à l’Insep entre 2010 et 2012 présentait l’avantage de bien connaître le sport et d’avoir un regard neuf sur l’aspect technique au sein de l’instance. « Je ne m’étais pas imaginé dans une telle fonction en particulier. Je n’avais pas un tel objectif en tête, précise-t-il. Mais j’ai toujours eu envie d’avancer. »

Sans être dupe des difficultés qui se présentent dans un monde où le handicap n’a pas vraiment sa place. « On est dans un monde d’apparences. Ce n’est pas simple cette situation de handicap tout en étant dans cette recherche de soi-même dans un mode où il n’y a pas de handicap, développe le DTN de l’athlé tricolore. Et malgré tout, il est primordial de faire reconnaître la singularité des personnes en situation de handicap… Comme celle de toutes les autres personnes. »

Le handicap nourrit l’univers valide

Aujourd’hui, sa position de DTN est clairement un accélérateur dans la reconnaissance et la prise en compte du handisport et du paralympisme au sein de la Fédération française d’athlétisme. « Depuis 2014, tous les cadres techniques ont dans leur lettre de mission l’encadrement des personnes en situation de handicap. Cela ne vient pas en plus, c’est dans leurs missions. »

Un cadre technique accepte naturellement d’entraîner un sportif handisport avec pour seul objectif de l’aider à atteindre la meilleure performance possible. « Nantenin Keita, prise en charge par un entraîneur de l’Insep a décroché l’or à Rio alors qu’elle était en grande difficulté physique deux ans avant, cite Gerges en exemple. Il y a la prise de compte de ce que sont les Jeux paralympiques. L’entraîneur de saut a fait aller-retour à Rio pour aller coacher Arnaud Assoumani. »

L’évolution actuelle de la formation des entraîneurs est de travailler sur la différence des êtres humains. Jimmy Vicaut et Christophe Lemaître n’ont pas les mêmes aptitudes mais font moins de 10 secondes tous les deux sur 100 m. « Comment les entraîner pour qu’ils soient encore meilleurs. Cela fait bouger les réflexions, interroge encore le DTN. Ce côté particulier du handicap vient nourrir l’univers valide. »

Barcelone, un moment fort

Un univers valide où il n’est finalement pas illogique de retrouver Patrice Gerges. Si ce père de deux enfants a fait une carrière internationale en handisport, il s’est avant tout construit au cœur de la pratique valide. « L’athlé est un sport où il y a toujours eu un regard bienveillant sur la pratique handisport », assure celui qui suivra avec un regard particulier les championnats d’Europe handisport, à Berlin (Allemagne) du 20 au 26 août.

À Fontenay-sous-Bois, non loin de l’Insep, il a commencé avec des entraîneurs valides. Médaillé sur un relais aux championnats de France FFA en 1988, Patrice Gerges n’a découvert le handisport qu’en 1990. « Un athlète s’entraînant à l’Insep m’a demandé si j’en étais. Ce n’était pas le cas parce qu’à cette époque, je pensais que le handisport était réservé aux sportifs en fauteuil roulant. »

La perspective des Jeux paralympique de Barcelone, où il décrocha aussi l’argent sur 800 m et le bronze en saut en longueur dans sa catégorie de handicap, le booste. « C’est vrai que j’avais déjà participé à des championnats de France valide mais je me souviens de ce premier moment. Celui où j’entre pour mon 800 m dans le stade de Monjuic avec un Espagnol dans ma course. Le stade de 70 000 places est plein. Ce fut une chape de plomb pour moi. Aujourd’hui, ce moment me sert encore dans mon discours d’entraîneur et de DTN. »

Après les Jeux d’Atlanta (bronze sur 400 m), il entraîne puis devient en 2000 référent athlétisme de la Fédération française handisport, un poste occupé jusqu’en 2009, avant d’intégrer l’Insep et de reprendre le cours de son histoire avec le monde valide… Un univers où il a progressé sans imposer mais en posant les bonnes questions et en misant sur l’envie de chacun de se remettre en cause et de réfléchir pour toujours aller chercher le meilleur. « La révolution n’a rien de bon. Il faut faire évoluer progressivement, se projeter et par la discussion convaincre du bien-fondé de ce que l’on met en place, des nouveautés que l’on apporte. » Avec l’ambition de contribuer à porter haut les couleurs de la France à Tokyo et aux Jeux de 2024, à Paris. // J. Soyer

Copyright > KMSP

 

Autres articles sur ce thème : Actualité / Athlétisme
haut de page