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La physiologie au sein du projet de recherche Paraperf

7 mai 2021
Maître de conférence à l’UF STAPS de Bordeaux (responsable du parcours Activité physique adaptée et Santé) et rattaché au laboratoire IMS (Intégration du Matériau au Système), Thierry Weissland est chercheur dans le domaine de spécialité « des sciences de la vie et de la physiopathologie de l’exercice » depuis de nombreuses années. Il met en oeuvre dans le cadre du projet de recherche Paraperf [1], les évaluations des paramètres physiologiques dans l’axe dédié à l’interface sportif-fauteuil coordonnée par Arnaud Faupin. Au sein de la Fédération Française Handisport, son investissement depuis quelques paralympiades dans le paracyclisme en tant qu’entraineur, head coach puis accompagnateur scientifique lui permet de créer des ponts entre les enjeux scientifiques et sportifs en quête de performance.

Quel est l’objectif du projet recherche Paraperf, dans le volet physiologique ?

Thierry Weissland : Il s’agit de mesurer les réponses physiologiques et musculaires réalisées par les sportifs pratiquant en fauteuil lors d’exercices maximaux ou infra-maximaux, de différentes durées, dans un environnement standardisé. Pour cela, nous évaluons certains témoins du système cardio-respiratoire ou de la production d’énergie musculaire en quantifiant des paramètres tels que les forces exercées par les muscles sur les manivelles d’un ergocycle au cours des différents efforts, les puissances mécaniques produites pendant une durée déterminée ou les capacités des différentes filières énergétiques. A l’issue de ces tests, nous réalisons un mapping des points forts et faibles à travailler pour chacun des sportifs. Les entraineurs et les préparateurs physiques peuvent ensuite adapter des plans de préparation personnalisés en fonction de l’orientation de leur discipline et des particularités des athlètes qu’ils entrainent.

Quels tests physiologiques sont mis en place dans le cadre du protocole Paraperf ?

T.W : Trois tests sont réalisés : le tests force-vitesse, le wingate test et l’exploration cardio-respiratoire. Ils sont effectués sur un ergocycle à bras réglé en fonction du morphotype du sportif dans son fauteuil à qui l’on demande de maniveler contre des résistances imposées. Sans apprentissage préalable, le mouvement est simple et permet de réaliser un mouvement dénué des aides spécifiques mobilisables par le sportif et pouvant être très marquées par des habiletés ou qualités techniques induites par la discipline sportive.

Pouvez-vous nous décrire le test force-vitesse?

T.W : L’objectif est de déterminer la relation « force-vitesse » à partir de la succession de plusieurs sprints maximaux de 6 secondes contre différentes résistances. Nous enregistrons les vitesses pics et optimales et calculons la puissance maximale de manivelage. En fonction du profil individuel et pour augmenter la puissance, il est possible d’orienter la préparation physique en privilégiant le travail en force ou en vitesse segmentaire. Un éventuel pourcentage d’asymétrie peut aussi être détecté entre le côté dominant et non-dominant avec une perspective de rééquilibrage.

En quoi consiste le wingate test ?

T.W : Ce test impose un effort maximal contre une résistance normalisée et individualisée pendant 30 secondes afin de mesurer la capacité anaérobie du sportif. Ce test donne un indice de fatigue (un pourcentage de décroissance de la puissance développée entre le début et la fin d’exercice) mais aussi une éventuelle différence de force appliquée sur les manivelles au cours du test. Nous avons d’ailleurs observé dans le contexte sanitaire actuel des indices de fatigue parfois plus importants chez certains sportifs. Ce test peut également révéler des asymétries de forces entre chaque manivelle qui peuvent présenter des risques de blessures telles que des tendinopathies ou encore détecter un possible surentrainement.

Comment se déroule l’exploration cardio-respiratoire ?

T.W : Elle est réalisée au cours d’une épreuve d’endurance qui permet une mesure de la consommation d’oxygène (VO2) et des seuils ventilatoires à partir d’un protocole progressif et maximal. Ce test mesure les aptitudes aérobies du sportif. Les indicateurs physiologiques comme les seuils ventilatoires, les pics de fréquence cardiaque et de consommation d’oxygène ou les asymétries de force relevés lors de l’épreuve d’endurance permettent de situer des niveaux d’intensité à prescrire en séance, en échauffement ou en récupération.

Pouvez-vous expliquer à quoi correspondent les indicateurs évalués ?

T.W : Ces différents indicateurs reflètent les filières de production d’énergie de l’activité musculaire. Les muscles nécessitent des apports énergétiques, en fonction de la durée et de l’intensité de l’exercice. Si nous faisons le parallèle avec une retenue d’eau avec son barrage hydroélectrique, la puissance serait le diamètre de la vanne qui permet de libérer l’eau le plus vite possible en cas d’urgence et la capacité, la contenance du réservoir qui permet de maintenir un niveau de libération d’eau dans le temps. Nous mesurons ainsi les puissances et/ou les capacités propres à chaque individu, développées au sein de chaque discipline sportive, en fonction du niveau d’expertise des sportifs. Pour ces efforts, nous évaluons ensuite les valeurs de pointes (les pics ou les maximums), les points de rupture par rapport à l’adaptation de l’organisme (les seuils), les points d’équilibre ou encore la durée de maintien à un niveau d’activité (temps limites réalisés à des intensités prédéterminées).

Est-il pertinent d’évaluer certains indicateurs physiologiques même au sein de sports statiques tels que le tir à l’arc, l’escrime ou la boccia ?

T.W : Pour toutes les disciplines sportives, le développement des qualités physiques contribue de manière indirecte à la performance. Les tests permettent de mesurer certains paramètres de la condition physique tels que la force, l’endurance, la vitesse et de caractériser les points forts et les points faibles des sportifs, d’individualiser le travail ou encore de mesurer les gains apportés par certaines techniques d’entrainement. Certains facteurs de la condition physique du sportif lui permettent également de supporter la charge d’entrainement et les compétitions tout au long de la saison sportive, d’assimiler la fatigue ou d’améliorer les temps de récupération après les entrainements ou les compétitions.

Pourquoi certaines évaluations sont réalisées en laboratoire ? D’autres sur le terrain ?

T.W : Les tests de laboratoire permettent dans un environnement maîtrisé, en s’appuyant sur un appareillage très précis de mesurer directement la puissance et la capacité des systèmes. Les protocoles réalisés sur le terrain permettent quant à eux, de se rapprocher de la logique interne et de la motricité de l’activité, même si nous ne sommes pas dans les conditions réelles de compétition (avec par exemple la pression de l’adversaire, du public, du résultat, la météo, la motivation, partenaire…). Il est possible en compétition d’obtenir des informations physiologiques comme la fréquence cardiaque mais aussi dans certaines disciplines la puissance développée, la vitesse gestuelle. Ces informations peuvent être confrontées à des données obtenues en condition d’entrainement simulé ou en laboratoire. Nous réalisons des compromis car l’ensemble des évaluations sont complémentaires et chaque évaluation possède ses avantages et ses limites.

Analysez-vous collectivement ces données ?

T.W : A partir de ces tests standards, nous constituons une base de données du haut niveau de pratique nationale par discipline paralympique, par âge, par genre et par groupe de pathologies similaires. Cela permet de comparer les données physiologiques des sportifs, de stratifier les spécificités intra-disciplinaires, de caractériser les réponses individuelles en fonction de groupes constitués mais également de mieux comprendre certaines limitations physio-pathologiques des para-sportifs. Un retour au staff est effectué avec une fiche synthèse du groupe mais aussi une fiche individuelle au sportif.

Existe-t-il des spécificités de ces paramètres physiologiques pour certaines familles de handicaps ?

T.W : Les facteurs physiologiques limitants peuvent être dus à une limitation du système cardio-vasculaire et respiratoire (centrale), musculaire (périphérique) ou technique (préhension, installation). Dans la pratique Handisport, nous observons des particularités liées à un engagement musculaire parfois diminué par une masse musculaire moins importante (facteur limitant périphérique), ce qui engendre une limitation de la contribution cardio-respiratoire. Certaines réponses physiologiques peuvent également être limitées comme chez les sportifs blessés médullaires par exemple ou à l’inverse exacerbées par des troubles moteurs engendrant des surcoûts énergétiques comme chez les sportifs cérébro-lésés.

Comment les entraineurs peuvent-ils réinvestir ces analyses dans leurs stratégies d’entrainement ?

T.W : Effectués ponctuellement ou périodiquement, ces tests permettent à l’entraineur d’évaluer les ressources physiologiques et le développement de ces ressources chez le sportif. Ces points de contrôles peuvent être réalisés en début, en cours ou en fin de saison. Les résultats pourront également aiguiller la préparation physique des sportifs sur leurs points forts (travail en force, vitesse, endurance ou résistance) ou rééquilibrer une asymétrie pour progresser et les amener dans les meilleures conditions aux différentes échéances sportives.

Rédaction : S. Mauduit

[1] Le projet Paraperf bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du programme d’Investissements d’avenir portant la référence ANR-19-STPH-0005


Chercheurs impliqués dans l’axe de recherche « optimisation de la relation entre le sportif et le fauteuil » du projet de recherche Paraperf  : Arnaud Faupin – coordonnateur (IAPS de l’université de Toulon), Joseph Bascou (INI/CERAH de Créteil), Corentin Cordier (Atoutnovation), Jean-Christophe Géminard (Ecole Nationale Supérieure de Lyon), François Genêt (CHU Raymond Poincaré APHP de Garches), Arnaud Hays (ISM d’Aix-Marseille Université), Denis Bertin (ISM d’Aix-Marseille Université), Yann Landon (Institut Clément Adler de Toulouse), Didier Pradon (CHU Raymond Poincaré APHP de Garches), Christophe Sauret (INI/CERAH de Créteil), Jean Slawinski (SEP, INSEP), Jean-Marc Vallier (IAPS de l’Université de Toulon), Bruno Watier (LAAS de Toulouse), Eric Watelin (IAPS de l’université de Toulon), Thierry Weissland (IMS Bordeaux).

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