J’ai grandi en Guadeloupe, là où arrive la Route du Rhum. À l’âge de 10 ans, j’étais sur le ponton et j’ai vu arriver des grands bateaux qui venaient de traverser seul l’Atlantique. Je me suis dit que je voulais faire ça plus tard. Avec mon frère, nous nous sommes inscrits dans un club de voile et j’ai vite eu envie de le battre. En 1998, j’ai intégré l’école nationale de voile à Quiberon (Morbihan). Ce qui est rigolo dans mon parcours, c’est que je n’ai découvert la pratique handisport qu’en 2002. Je me suis alors décidé à viser les Jeux paralympiques. J’ai obtenu ma qualification pour ceux d’Athènes en 2004 et je suis revenu avec la médaille d’or. J’ai ensuite gagné l’argent à Pékin en 2008.
La voile est un sport extraordinaire. On quitte le monde dans lequel on a l’habitude de se mouvoir avec notre handicap… Vous qui vous déplacez en fauteuil, vous comprenez ça mieux que personne. Quand vous laissez votre fauteuil sur le ponton, vous découvrez une autre façon de se déplacer sur le bateau.
Oui. J’ai commencé à faire de la course au large en 2005. Sur la première course à laquelle j’ai voulu participer, la Solitaire du Figaro, j’ai été refusé à cause de mon handicap. On m’avait écrit une lettre où il était expliqué que je ne pouvais pas « naviguer en bon marin ». Grâce au soutien de proches, d’amis, de médias mais également parce que j’ai prouvé que je pouvais le faire, nous avons réussi à faire bouger les règlements pour accéder à la course au large. Aujourd’hui, une personne en situation de handicap ne rencontrerait pas ces problèmes. Il en fallait un premier pour défoncer les portes. Mais j’ai veillé à ce qu’elles ne se referment pas derrière.
Le sport de haut niveau est une vitrine. Quand j’étais petit, je rêvais devant les Jeux olympiques. Voir des grands champions à la télé fait rêver. Mais en handisport, on essaie d’y associer des valeurs supplémentaires : de partage, de dépassement de soi, autour de la notion du handicap. C’est aussi le rôle des sportifs de haut niveau de faire ça. Tous n’ont pas des engagements dans des associations, mais rien que par ce qu’ils sont capables de montrer et de dire, ils passent forcément un message.
Cela pourrait être une bonne occasion de se mettre à niveau des pays les plus avancés sur l’accessibilité. Être pays organisateur des Jeux amène aussi beaucoup de moyens supplémentaires.
Oui. Je vais jouer ma sélection en novembre au cours des championnats du monde disputés en Australie. J’espère y aller et ramener une troisième médaille paralympique. Les Jeux m’ont profondément changé. En 2004, lors de ma première participation, je ne connaissais pas bien le monde du handicap. Je l’ai vraiment découvert lorsque j’ai fait mon entrée dans le village paralympique, où il y a tous les types de handicaps (amputés, fauteuils…). Je suis allé voir d’autres sports et ça a changé mon regard sur le handicap.
Sur les épreuves handisport, nous avons deux manches d’une heure par jour. Donc après une bonne nuit de sommeil ça va. Mais au large, c’est très compliqué, surtout en solitaire. Dans la même journée, on doit manœuvrer, barrer, faire de la météorologie, manger, faire avancer le bateau le plus vite possible et je dois dormir. Mais je ne peux pas faire comme sur terre, aller au lit quand le soleil se couche et me réveiller six heures plus tard en raison des notions de sécurité à respecter. Je dors donc par phases de 20 minutes. Je me réveille, je vérifie si tout va bien et je repars pour vingt minutes. En général, on dort 4-5 heures par jour. Sur 20 jours, on peut le faire sans mettre sa santé en jeu.
Aucun bateau sélectionné aux JO ne correspond à mon gabarit. Même si je n’avais aucun handicap, mon poids et ma taille ne correspondent pas aux bateaux. J’ai aussi fait des choix. En sortant des Jeux d’Athènes, je voulais revenir vers l’olympisme Finalement, j’ai opté pour la course au large et le paralympisme. // J. Soyer
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