Alors que les flocons se dissipent et que les pistes s’apprêtent à fondre, Christian Fémy, mieux connu sous le surnom « BAB », dresse le bilan de la saison des sports d’hiver 2023-2024. Directeur des sports d’hiver à la Fédération Française de Handisport, il délivre un retour sur les performances des athlètes français qui pour la plupart nous ont fait glisser vers la victoire.
Les Bleus ont brillé cette année lors des Deaflympics d’hiver 2024 puisqu’ils ont ramené 8 médailles, pouvez-vous nous faire un retour sur cette compétition unique ?
C.F : Les Deaflympics se sont mis en place assez tardivement. Ils se sont déroulés à Erzurum, en Turquie, avec un bilan très satisfaisant, puisque sur les 5 athlètes amenés là-bas, les 5 ressortent médaillés ; ce qui arrive rarement dans une délégation. Une très bonne coopération entre la FFH et le CPSF.
Comment se sont déroulés les Championnats du monde de para-biathlon ?
C.F : Côté événements de référence, nous avions seulement le Championnat du monde de para-biathlon, avec une tournée qui était très intéressante, Anthony Chalençon repart avec trois médailles, une de chaque couleur et surtout son premier titre individuel de champion du monde.Benjamin Daviet se maintient sur les podiums avec deux médailles tout en se focalisant sur un double projet avec l’aviron. Certes, le ski nordique est une petite délégation, toutefois, notre effectif augmente de plus en plus, en partie avec l’arrivée de Karl Tabouret qui se rapproche des podiums.
Pouvez-vous nous faire un retour sur le circuit national ?
C.F : « Le championnat de France ainsi que la finale de la Coupe de France se sont tenus dans les trois sports : alpin, nordique, snowboard, à Peisey fin mars et bénéficient de plus de suivi. L’arrivée de Xavier sur le développement a permis d’étoffer ces circuits car nous avions davantage de ressources, plus de main-d’œuvre et d’expertise pour pouvoir enrichir un peu ce circuit de la Coupe de France. »
Comment qualifierez-vous le circuit coupe du monde de snowboard ?
C.F : « Côté snowboard, ça a été un calendrier quand même très hétérogène. Nous n’avions pas eu de compétition pendant deux mois, et tout s’est enchaîné sur le mois de mars, avec un long déplacement au nord du Canada, dans le Yukon, où auront lieu les championnats du monde l’année prochaine. Les tournées étaient intéressantes, les résultats étaient comme d’habitude cohérents malgré le fait que l’on manque généralement de profondeur sur le snowboard. »
Quelles ont été les spécificités du circuit coupe du monde de ski alpin ?
C.F : « Toujours de très bons résultats car presque tous les membres de l’équipe de France sont allés sur un podium de Coupe du monde. Une fois de plus, la France termine première nation au classement général chez les hommes et récupère pas mal de globes en individuel. Il y a de nombreux sportifs sur les podiums des classements généraux de Coupe du monde avec Arthur Bauchet qui ramène 4 globes et Marie Bochet 2 Le seul point dommageable est la blessure d’Aurélie qui a su tout de même démontrer qu’elle était une des valeurs sûres de notre équipe de France en alpin. »
Quelles sont les implications de la fin de carrière de Marie Bochet pour le monde du ski handisport ? La relève est-elle assurée ?
C.F : « Même si Marie prend la voie de la sortie, elle a toujours un niveau qui est plus que pertinent puisqu’elle a été capable de gagner deux globes cette saison. Avec 107 victoires en Coupe du Monde, 9 médailles paralympiques, dont 8 d’or, 22 globes, elle est incomparable. C’est une figure emblématique du ski alpin que je garderai sur la plus haute marche du podium. Malgré son départ, nous avons d’autres sportifs qui vont continuer à s’exprimer. La relève, en ski alpin, est donc assurée, autant chez les garçons que chez les filles. Cette relève se manifeste sur la scène internationale, ce qui constitue une deuxième composante majeure, en plus de l’élite et de la performance. Ce succès découle en parti de notre projet de développement mis en place à travers des stages de développement des circuits de Coupe de France. »
Quelles avancées notables ont été réalisées lors du premier festival Handineige en termes de développement ?
C.F : « Le festival Handineige organisé au mois de mars a été le nerf de cette saison. Ce championnat de France international regroupant 7 pays du côté du ski alpin a marqué la fin de saison en réunissant sur le site de Peisey-Vallandry l’élite de l’accès à la performance, du développement, de la détection, de la formation, de l’armée et des différents styles de handicap. Tous les projets de développement sont là pour élargir un petit peu notre champ d’activité qui était souvent centré uniquement sur la performance. Le festival Handineige a réuni des athlètes médaillés paralympiques et médaillés mondiaux, à l’exception des membres de l’équipe de France de snowboard. Ce regroupement composé en partie de personnes inscrites dans notre profil de détection a rassemblé des courses « open » permettant à n’importe lequel des skieurs aptes à passer dans un parcours, de concourir. Ainsi en ski alpin, aux côtés des champions paralympiques tels que Marie Bochet, Arthur Bauchet et Jasper Peterson (en fauteuil), des participants issus de la filière détection ont eu la chance de skier avec eux. Ce partage est significatif dans l’aspect compétition. En parallèle, en termes de développement des initiatives ont été mises en place, notamment des stages destinés aux jeunes à potentiel ; une première pour les sports d’hiver. »
Comment la relation entre les athlètes a permis de porter cette saison hivernale ?
C.F : « Les membres des sports d’hiver forment un petit microcosme. Malgré nos calendriers très divers nous restons proches, soudés puisqu’on a cette particularité de partager un sport chronométrique qui se pratique l’hiver, en montagne et sur la neige. Nous avons beaucoup de particularités communes. Ainsi, dès que nous le pouvons, nous essayons de nous retrouver et de nous regrouper. C’est difficile, mais nous l’avons fait là aux championnats de France. Nous souhaitons continuer à cultiver cette dynamique collective car elle se veut essentielle. Quand une partie du groupe marche, tout le reste du groupe se sent attiré par cela. »
Quelles sont les prochaines échéances majeures pour les équipes de ski français et quelles sont les projections pour l’année 2025 et les Jeux en 2026 ?
C.F : « La saison 2023-2024 s’est achevée le 7 avril 2024, et la suivante a démarré dès le lendemain pour profiter des belles conditions d’enneigement. On continue notre processus d’entraînement afin de coller un peu à la réalité du terrain. Il y a beaucoup de neige en ce moment, nous en profitons. La saison 2025 revêt une importance particulière en raison des championnats du monde dans tous les sports, préparant ainsi le terrain pour les Jeux de 2026 à Milan-Cortina. Cette année sera rythmée par la performance et le développement. Nous sommes conscients qu’en 2026, certains de nos athlètes arrêteront leur carrière. Cependant, nous avons déjà en ligne de mire les championnats du monde 2027, et surtout les Jeux de 2030. La préparation pour ces Jeux commence dès maintenant. Ainsi, en 2025, nous mettrons également l’accent sur le renouvellement de notre élite, notamment à travers les stages que nous organisons. L’objectif est de garantir un niveau élevé et une équipe toujours compétitive d’ici 2030. Malgré une brève pause en mai-juin, l’entraînement se poursuit presque sans interruption, soulignant la continuité et la préparation constante des athlètes. »
En tant que directeur des sports d’hiver à la Fédération Française de Handisport qu’envisagez-vous de mettre en place pour renforcer et améliorer la performance des athlètes dans les prochaines saisons ?
C.F : « C’est tout d’abord de continuer à mettre en place des équipes de France compétentes, bonnes et bien encadrées. On a besoin de travailler sur le développement, on a besoin de continuer à progresser sur tout ce qui est lié à la détection, au développement, la formation des cadres et à l’accès à la performance. Ce sont nos objectifs. Chaque année, nous rajoutons des petits morceaux, mais il ne faut pas qu’on s’endorme là-dessus. Après, sur les équipes de France et la performance, c’est la sixième année de suite que la France est première nation en ski alpin homme, et à chaque fois, avec du nouveau monde qui arrive dans les équipes. Il ne faut surtout pas se reposer sur nos lauriers car le sport de haut niveau n’est pas un long fleuve tranquille. »
Portée par les prouesses de nos Bleus, la saison des sports d’hiver 2023-2024 a été riche en émotions. Alors même si le mystère autour de l’origine du surnom BAB persiste, une certitude demeure : pour la saison prochaine nos skieurs sont résolus à slalomer vers de nouvelles médailles.
Le saviez-vous ?
Le festival Handineige c’est : 9 jours d’animations, de pratiques de ski handisport et de glisse adaptées ; 19 manifestations ; 1 500 participants actifs ; 80 compétiteurs ; 800 personnes en situation de handicap ; 40 militaires blessés de guerre ; 5 soirées after-skis
DEAFLYMPICS D’HIVER 2024 – SKI ALPIN
Mélanie REMBAUD – Médaille de bronze en slalom en ski alpin / Médaille de bronze du Super-Combiné / Nicolas SARREMEJANE, porte drapeau – Médaille d’or du Super-G / Médaille de bronze du Super-Combiné / Thomas LUXCEY – Médaille d’argent en slalom en ski alpin / Médaille d’argent du Super-combiné / Médaille de bronze en super G
SKI NORDIQUE
Loïc CROS et Antoine COLLOMB PATTON – Médaille de bronze du sprint par équipe
CHAMPIONNAT DU MONDE DE PARABIATHLON
Anthony CHALENCON – Médaille d’or en individuel / Benjamin DAVIET – Médaille d’argent en individuel