« J’ai découvert le bowling par hasard, grâce à mon cousin, un après-midi après un repas de famille. J’avais 15 ou 16 ans », raconte-t-il avec un sourire. Ce jour-là, sans le savoir, il venait de lancer bien plus qu’une boule : le début d’une aventure de vie. Derrière son humilité, un palmarès exceptionnel.
Champion du monde, champion d’Europe, médaillé aux Deaflympics : Ludovic a collectionné les victoires sans jamais perdre son sens du travail. « Le plus marquant ? Mon titre de champion du monde et celui d’Europe dans la foulée. Sans oublier ma première médaille Deaflympics, en Turquie. » Seize médailles internationales plus tard, dont plusieurs en or (Duo, Master, Trio, All Event), Ludovic reste animé par un seul objectif : décrocher le titre suprême aux Deaflympics.
« Toutes les médailles sont précieuses, car elles sont difficiles à obtenir. Mais mes deux médailles d’or individuelles, en Europe et au monde, ont une saveur particulière. »
Son entrée dans le monde du sport sourd remonte à 2009, lors d’un stage de préparation pour les Deaflympics de Taïwan. « C’était une première pour moi,
je n’avais jamais rencontré de personnes sourdes auparavant. La communication était difficile, mais cette expérience m’a ouvert à un nouveau monde. »
Depuis, Ludovic s’est intégré avec naturel. « Je vis très bien ma surdité dans ma pratique. Même si je passe souvent pour un « oraliste », je me sens bien intégré. »
Sa réussite tient à sa capacité d’adaptation, cette qualité qui distingue selon lui les meilleurs joueurs : « Un excellent joueur saura changer rapidement de boule, de ligne, s’adapter à la piste. »
Un champion au quotidien
Ludovic n’est pas un sportif professionnel. Il travaille comme magasinier-outilleur, en horaires décalés, souvent en 3×8. Une contrainte lourde, mais qu’il compense par une détermination sans faille. « Les horaires ne correspondent pas toujours à l’ouverture du centre de bowling… alors je m’entraîne les week-ends, je fais beaucoup de compétitions pour garder le rythme. »
La préparation est exigeante, mais Ludovic ne se plaint jamais. « Le coach joue un rôle essentiel. Il voit ce que nous ne voyons pas, il aide à garder le cap dans les moments difficiles. » Et quand la fatigue se fait sentir, il retrouve l’équilibre dans son jardin, ou en bricolant chez lui. Une façon simple de recharger les batteries avant de repartir sur les pistes.
Le bowling, sport méconnu mais exigeant
« Il faudrait déjà que le bowling soit reconnu comme un vrai sport, » lance Ludovic sans détour.
« Beaucoup pensent encore que c’est un loisir. Mais qui a déjà soulevé des tonnes de boules en un week-end ? Ou gardé sa concentration pendant vingt jours de compétition ? »
Derrière ses mots, une revendication légitime : celle de la reconnaissance — pour son sport, pour les athlètes sourds, pour leur engagement sans relâche.
Il rêve aussi de voir la relève arriver, d’attirer de jeunes sourds vers les pistes. « Notre discipline décline un peu. Il faut redonner envie aux jeunes de jouer. »
S’il devait résumer son parcours, Ludovic parlerait de persévérance. « Ne jamais baisser les bras. Il faut parfois régresser pour devenir plus fort. » Un message d’humilité et de travail, forgé par vingt ans de passion.
Et après les Deaflympics ? « Peut-être qu’il sera temps de devenir papa, » glisse-t-il avec pudeur. Mais le compétiteur reprend vite le dessus : « Il y aura aussi les championnats d’Europe à préparer l’été prochain ! »
Car pour Ludovic Bartout, le bowling n’est pas seulement un sport. C’est une façon d’être au monde : concentré, patient, et toujours prêt à viser plus haut.