Pratique ouverte aux aveugles et déficient visuel[1], la voile est une activité qui demande à prendre en compte certaines données. Dans cet article, nous allons aborder l’exemple de Nicolas Vimont Vicary, membre de l’équipe de France Paralympique Rio 2016 en équipage. A travers son histoire, la problématique de la navigation pour les déficients visuels, ainsi que les qualités à développer pour devenir un bon marin, sont abordés. Enfin, nous allons mentionner différentes initiatives de projets, en lien avec la voile et la déficience visuelle.
Depuis de nombreuses années, le pôle France de l’ENVSN accompagne le parcours sportif de Nicolas Vimont-Vicary. Atteint de cécité vers 25 ans, il a pratiqué la voile avant l’apparition de son handicap. Mais c’est en étant aveugle qu’il s’est investi pleinement dans la voile.
En amont de son intégration au pôle France, Nicolas a régulièrement navigué en rade de Brest et il a pour l’occasion travaillé avec une association brestoise, Orion[3]. Celle-ci milite et développe des outils d’aide à la navigation pour les personnes aveugles ou malvoyantes. Orion a développé principalement deux outils : la carte en relief permettant d’appréhender la zone de navigation et un audio-guide informant de la position du bateau sur un parcours donné. Ce projet est développé en partenariat avec Orange, la FFVoile, la FFH et l’ENVSN. Cette application doit à terme aider les DV dans l’apprentissage de la voile.
En 2005, Nicolas intègre le pole de l’ENVSN pour naviguer en Sonar, quillard de sport à trois équipiers. Membre de l’équipage barré par Bruno Jourdren depuis 2007, il navigue jusqu’en 2008 avec Hervé Larhant qui occupe alors le poste de régleur de GV et qui sera remplacé à partir de 2009 par Eric Flageul.
Nicolas a savouré le double titre de champion du monde (2013 & 2014). Au poste de numéro 1, il règle le foc ainsi que l’envoi du tangon au portant. En plus de ces principales commandes, il gère la tension des drisses de GV et de Foc ainsi que le hale-bas et la bordure. Il contribue également à l’équilibre latéral du bateau. Ce dernier point est développé à la fin de l’article.
La finesse de réglages demandée à ce niveau de pratique nécessite de sa part une très grande concentration et une réactivité de tous les instants. A tout moment, il doit être en capacité d’agir sur telle ou telle commande, à la demande du barreur ou de l’équipier du milieu. Ces actions simples à réaliser pour un voyant, posent diverses difficultés à un DV.
La communication à bord
La qualité de la communication à bord est un autre élément important à prendre en compte. Si avec un équipage voyant un grand nombre d’informations sont d’ordres non verbales, l’intégration d’un DV à bord oblige les autres membres de l’équipage à verbaliser leurs actions. Simple à dire mais pas toujours facile à réaliser, notamment en régate dans les moments de forte tension où la disponibilité vers l’autre n’est pas de mise. Nous pouvons à cette occasion prendre note de la complicité et collaboration existantes entre Eric et Nicolas. Tel en témoigne la séquence de la descente du Mont Tybaluchon au Brésil en montrant la confiance et la qualité de leurs échanges.
L’autre point de complexité que doit gérer Nicolas est la reproduction des réglages d’un bord sur l’autre mais aussi d’une journée à l’autre. Le barreur est au centre de cette dynamique. Tout au long de l’épreuve, il doit gérer simultanément plusieurs champs de la performance dont la vitesse du bateau. Aussi, il va guider à la voix Nicolas en lui donnant des infos en centimètre sur la tension d’écoute de foc (+1 ; -2 ; etc). Plus Nicolas sera précis et rapide pour avoir un bon réglage moyen à la suite d’une modification de la trajectoire (virement, changement de trajectoire, etc), plus le barreur pourra se concentrer sur d’autres taches (adversaires, aspects tactiques et stratégiques). Une fois encore, l’entraînement est le socle d’une bonne préparation.
Ce dernier point aborde la place de Nicolas dans la gestion de l’équilibre latéral du bateau. Les règles qui régissent la pratique paralympique en équipage imposent qu’un membre de l’équipage soit assit à l’intérieur du bateau. Si naturellement Nicolas y a répondu, il a réfléchi avec l’entraîneur Fabrice Levet pour imaginer et réaliser un système lui permettant d’être le plus actif à bord. Pour répondre à ce besoin il a été crée un coussin lui permettant de se rehausser à bord du cockpit et donc de mieux sentir le vent et ses variations.
Les circuits ouverts aux déficients visuels
Concernant la pratique sportive pour les déficients visuels, deux circuits proposent un programme de régates dédiées :
– Le circuit Paralympique : la déficience visuelle répond aux critères fixés par la fédération internationale pour être éligible et participer aux Jeux Paralympiques. Nicolas a décroché l’argent lors des Jeux Paralympiques de Pékin. Toutefois, seul trois aveugles sont engagés au sein d’équipage, la France, l’Espagne et l’Autriche.
– Le circuit géré par l’IBSA[4] et l’IFDS[5] propose un championnat du monde en alternance entre match-racing et flotte. Vous trouverez des infos en cliquant ici.
– L’association ORION, propose des croisières tout au long de l’année. Elle propose également à l’un de ses membres de naviguer en catamaran série F16, l’occasion d’utiliser l’audio-guide SARA,
– Le challenge Spi Dauphine. En 2015, les étudiants vont proposer un focus sur ce thème lors de leur course croisière,
– Le bateau Team Jolokia embarque un aveugle, Olivier Brisse, en faisant le pari de ne pas équiper spécifiquement leur bateau de répétiteurs vocaux. // J. J. Dubois
[1] Aveugle et déficient visuel seront nommés sous le terme générique de DV
[2] SARA : Sail And Race Audioguide
[3] ORION accès à la voile pour les déficients visuels
[4] IBSA International Blind Sailing Association, lien pour accéder au championnat du monde http://www.seasheboygan.org/category/news/
[5] IFDS International Federation of Disabled Sailor