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L’équipe de France poursuit sa marche en avant

18 juin 2022
L’équipe de France de natation, 12 médailles (2 or, 8 argent, 2 bronze), a bouclé ces championnats du monde à Madère de la meilleure des manières. Alex Portal (S13) sur 200 m 4 nages (2’10.14) et Laurent Chardard (S6) sur 50 m papillon (31.14) ont offert aux Bleus, les deux premiers titres de cette semaine portugaise. Ces deux médailles d’or donnent un autre relief au bilan des Tricolores qui poursuit sa progression. Dans le sillage de ces deux champions du monde mais aussi d’Ugo Didier (S9), quatre fois en argent, les Bleus ont placé des jalons très intéressants dans la perspective des Jeux Paralympique de Paris (2024). On retient aussi le bon comportement des jeunes, mis en exergue par la médaille de bronze de Solène Sache sur 100 m brasse, pour ses premiers mondiaux. Sami El Gueddari, directeur sportif de la discipline dresse un bilan complet et lucide de cette semaine mondiale. Entretien.

L’équipe de France a connu un final de Championnats du monde en apothéose, samedi à Madère, au Portugal. Laurent Chardard, qui établit un nouveau record d’Europe, a devancé le Colombien Crispin au 50 m papillon ( S6). Quant à Alex Portal, il a dominé l’Ukrainien Garashchenko, qui l’avait privé d’or sur le 100 papillon et le 400 NL, pour décrocher la consécration mondiale sur le 200 m 4 nages ( SM13). On note aussi la confirmation d’Anaëlle Roulet, 2e du 100 dos (S10), au plus niveau mondiale.    

Sami, il aura fallu attendre les deux dernières courses de Français sur ces Mondiaux pour toucher l’or. Que représentent ces deux titres à vos yeux ?

Sami El Gueddari : C’est un tournant pour cette équipe. Elle était souvent très bien placée, bien présente mais elle avait du mal à concrétiser les belles performances réalisées sur la touche finale. Gagner l’or, ça s’apprend, ça se cultive. Ces deux médailles vont être fondatrices pour cette équipe de France qui prouve et se prouve qu’elle peut gagner et ambitionner gagner.

Avec 12 médailles, jugez-vous ces championnats du monde réussis ?

S. EG : On est 18e au tableau des médailles. On bonifie les métaux. C’est encourageant pour la suite et en progrès puisque nous en avions fait 5 médailles à Mexico en 2017 et 9 à Londres en 2019. Cinq nageurs, sur onze présents (Florent Marais qualifié a dû déclarer forfait sur blessure) ont décroché une médaille. C’est un bon ratio. On revient aussi avec beaucoup de médailles d’argent, c’est un net progrès. Nos nageurs sont dans des catégories où il y a de supers athlètes mais ils doivent cultiver cette ambition de devenir des leaders capables de ramener trois ou quatre médailles, dont certaines, voire la totalité, en or. C’est un bon point de départ pour cette paralympiade, forcément plus courte (trois ans en raison du report des Jeux de Tokyo de 2020 à 2021). Ceux qui n’ont pas réussi à décrocher l’or devront se nourrir de cette frustration pour être encore plus forts à l’avenir.

Parlez-nous du relais de samedi, disqualifié ?

S. EG : Il s’agissait du premier relais français engagé depuis très longtemps sur le 4×100 m NL mixte 34 points. La France se fait disqualifier pour un point de règlement un peu bête. C’est le point de départ de cette équipe sous forme de relais. Il ne faut pas tout jeter puisqu’il réalise le meilleur temps des séries et établi un temps synonyme de record d’Europe. Même si ce n’est pas homologué, ça reste de bon augure pour la suite. On pourra sans doute compter sur cette épreuve pour bâtir et renforcer encore cet esprit d’équipe au sein d’un groupe déjà uni et solidaire.    

Outre les chiffres bruts, quelles sont vos satisfactions ?

S. EG : La vraie satisfaction réside dans le niveau de performances réalisées. Alex (Portal), Ugo (Didier), Laurent (Chardard), Solène (Sache), Léane (Morceau)… Enfin tous les nageurs ont réalisé a minima leur meilleure performance sur leur spécialité, voire sur l’ensemble de leurs épreuves. Je pense notamment à Ugo qui nage sous le record du monde vendredi sur 100 m dos (1’00.42), même si l’Italien Barlaam a aussi établi un nouveau record du monde (59.72). Ugo améliore aussi son 400. Alex, en argent sur 100 m papillon, améliore aussi sa marque (56.34, juste derrière l’Ukrainien Virchenko 56.12). Il a aussi battu son propre record sur 100 m NL avec un chrono à 00’53.34 qui lui permet de prendre encore l’argent.

 

« Même jeune, il ne faut pas s’interdire de rêver grand »

 

Les jeunes ont tenu leurs promesses et les plus expérimentés ont progressé…

S. EG :  Oui. Ils ont su répondre présent sur un championnat du monde alors qu’un grand nombre d’entre eux (Agathe Pauli, Léane Morceau, Solène Sache…) vivaient, au-delà de leur premier championnat du monde, leur première compétition internationale de référence. Je pense aussi à Kylian Portal qui a réussi une performance stratosphérique sur le 400 NL, améliorant de 5 secondes sa meilleure marque (4 ’28.78). Ces jeunes, sous l’impulsion d’Ugo et d’Alex, ont découvert qu’ils pouvaient gagner, prétendre au podium. La médaille de bronze de Solène sur 100 m brasse concrétise cela. On peut être jeune, disputer ses premiers championnats du monde, il ne faut pas s’interdire de rêver grand et d’avoir de l’ambition. Les autres nageurs restent des nageurs comme les autres. Cela a été un peu notre fil rouge.

Comment ça ?

S. EG :  On a insisté sur le fait d’aller à la bataille, faire comprendre que chaque place compte sur le tableau des résultats. Même si on ne se bat pas pour le podium, on doit grappiller chaque place que l’on peut grappiller. On ne laisse rien aux autres. Il y a eu une vraie dynamique d’équipe autour de ce projet de performances et de progression. Ce fut un vrai point fort.

 

« Cette génération a déjà les codes »

 

Que traduisent ces performances, en termes d’état d’esprit ?

S. EG :  Ils ont su s’approprier le contexte. C’est un autre point fort. Participer à un championnat de référence nécessite une certaine forme d’autonomie. Il faut vraiment être acteur de son projet de performance, entre l’échauffement, la récupération… Il faut s’inscrire dans une rigueur en termes de gestion de sommeil, d’alimentation de repos. On sent que cette génération a déjà, un peu, en tête tous ces codes qu’ils ont su construire dans leur clubs respectifs grâce au travail de leurs entraineurs personnels. L’importance de l’épreuve ne les inhibe pas, au contraire, ça les aide à se sublimer. C’est positif.

Néanmoins, ça reste une jeune génération qui continue d’apprendre. On a notamment pu l’observer entre les séries et les finales ou il y a encore, pour certains, plein de choses qui se règlent, qui se mettent en place.

Cependant ils ont su se servir de l’adrénaline de la finale, pour se transcender. Rentrer en finale ne fut pas une fin en soi. À chaque fois, ils ont eu à cœur d’améliorer leur meilleure marque. Cependant il reste encore de réels leviers de progression pour tous. C’est positif.

En quoi ça joue ?

S. EG :  Sur la capacité d’adaptation aux différents scénarios de course par exemple. C’est une notion très importante, qui plus est en handisport parce qu’au sein d’une même classe, il y a un panel de handicaps très variés qui applique des stratégies de course très différentes. Certains partent très vite, d’autres doucement mais terminent fort. Il faut apprendre à s’approprier cela, à rester dans sa course, se focaliser sur ce que l’on sait faire et ce que l’on doit faire. Sur ce point, il y a de belles perspectives.

Les parties non nagées (départ, virage, coulée et arrivée) doivent continuer de s’améliorer car ce sont sur ces détails que se gagnent les courses. Grâce à cette compétition, l’ensemble des nageurs a encore plus envie d’aller plus loin, d’aller davantage à l’entraînement, de s’entraîner encore plus dur pour continuer leur progression.            

Quel regard portez-vous sur l’évolution de la scène internationale, après les Jeux de Tokyo ?

S. EG :  Le rajeunissement observé depuis bientôt quatre ans se poursuit avec des délégations qui amènent de nombreux jeunes. La France compte encore parmi les délégations les plus jeunes mais on voit que des pays ont réussi à faire émerger des jeunes. Certains d’entre eux ont d’ailleurs poussé à la retraite des cadors dans certaines catégories. Il faudra attendre 2023 pour savoir si certains nageurs présents à Tokyo ont mis fin à leur carrière ou opéré une pause post Jeux. Le fait de voir maintenant, sur le circuit, d’autres jeunes, est une manière pour nos nageurs de s’identifier et de se dire pourquoi pas moi. Pendant longtemps, les tauliers des catégories trustaient les médailles et ça pouvait laisser à penser que les jeunes n’avaient pas leur place sur le podium. Ils peuvent et doivent eux aussi prétendre devenir les cadors de demain.

 

« Savourer cette étape »

 

Il faut désormais confirmer encore ces bons Mondiaux…

S. EG :  Il ne faut pas perdre de temps, les Jeux de Paris sont dans deux ans. Ils s’entraînent bien au quotidien mais il va falloir hausser les curseurs, chaque jour dans l’attention et dans l’intention pour grappiller ces secondes, ces dixièmes qui manquent parfois pour monter sur le podium et ces centièmes qui nous ont fait défaut pour conquérir l’or mondial.

…Et encore étoffer cette équipe ?

S. EG :  Oui. Quinze nageurs avaient réalisé au moins un  minima B pour ces championnats du monde, douze étaient sélectionnés. On était cinq à Mexico en 2017, neuf à Londres en 2019, on ambitionne de voir cette équipe s’étoffer mais en qualité, pas seulement en quantité. Les critères sont exigeants mais accessibles. On reste dans notre tableau de marche, ça chemine dans le bon sens. Il ne faut pas se perdre en route tout en savourant chaque nouvelle étape de franchie afin de confirmer les belle choses aperçues et confirmées.    

Rédaction : J. Soyer


Les douze médailles françaises

Alex Portal (S13, SB13, SM13) : 1 or : (200 m 4 nages),  2 argent (100 m papillon, 400 m NL), 1 bronze (100 m NL) 

Laurent Chardard (S6) : 1 or (50 m papillon)1 argent (100 m NL, )

Ugo Didier (S9, SB9, SM9) : 4 argent (200 m 4nages, 100 m dos, 100 m NL, 400 m NL).

Anaëlle Roulet (S10) : 1 argent (100 m dos)

Solène Sache (SB4) : 1 bronze (100 m brasse)


La compétition en images

 

NATATION / Championnat du Monde 2022


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