Quand elle jouait avec sa sœur cadette, dans le garage familial, Marie Hautière ne s’imaginait pas qu’elle susciterait une vocation. Pourtant c’est bien en tapant la balle avec son aînée, que Lucie, 17 ans, s’est prise au jeu. « Ma grande sœur jouait au tennis de table à Antony en régionale et en nationale par équipe, raconte la pongiste handisport, née avec une hémiplégie touchant tout son côté droit. Parfois, nous jouions ensemble et ça me plaisait. »
Licenciée en valide à Voisins-le-Bretonneux (Yvelines) depuis cette année, son histoire avec la petite balle a commencé en handisport. Par une rencontre avec Régis Perronnet, président du club d’Evry Handisport, un club habitué au plus haut niveau national et international depuis des décennies. Sous la houlette du kiné, Lucie Hautière, âgée de 12 ans tout au plus, apprend les rudiments du « ping ». « Au départ, je ne connaissais vraiment pas grand-chose de ce sport. Je ne savais même pas servir. » Patient, pédagogue et investi, Régis Perronnet forme l’adolescente. Il lui fournit le bagage nécessaire pour lui permettre de prendre une licence dans un club valide. Ce sera Viry-Châtillon.
Les premiers effets sont rapidement visibles. Lucie Hautière, actuellement placée en Classe 8, avance. Progresse. Mais des limites subsistent. Thu Kamksomphou, la référence féminine du ping français en handisport, la prend sous son aile. Mieux même, elle la confie à Fang Zhu, une joueuse professionnelle évoluant à Paris 13. « Une fois par semaine en moyenne, j’allais m’entraîner avec Fang Zhu en séance individualisée », explique Lucie Hautière, actuellement classée 7 en valide. L’évolution suit son cours. L’espoir du ping participe aux championnats de France jeunes et aux stages du groupe Espoir Jeunes mis en place par la commission tennis de table.
L’été dernier, Fang Zhu l’emmène même effectuer un stage avec une dizaine d’autres jeunes du club en Chine, non loin de Pékin. Le rythme y était soutenu pour Lucie Hautière. Au menu : entraînement avec les Français le matin et paniers de balles avec les Chinois l’après-midi. Près de trois semaines intensives au cours desquelles elle a tenu la cadence. Et profité des deux jours de visite programmés. « Nous sommes allés voir la Muraille de Chine notamment, se réjouit le Francilienne. Mais ce fut surtout intéressant pour le jeu. Depuis, je pense que j’enchaîne mieux mes coups. »
Un booster idéal. Cette année, l’élève de 1re ES, s’entraîne au moins trois fois par semaine. « Le tennis de table a également été un moyen de se rééduquer, assure la jeune fille. Avant, j’avais de l’orthophoniste, de l’ergo, de la psychomotricité et trois séances de kiné par semaine. Aujourd’hui, je n’ai plus qu’une séance de kiné hebdomadaire et rien d’autre. »
Le volume va encore s’accroître. « Comme les Travaux Pratiques Encadrés vont bientôt s’arrêter, je vais pouvoir placer une séance à la place de cette matière. » Certains des cours d’EPS vont également être remplacés par des séances de ping. « Cette année, avec l’appui de Stéphane Lelong, le directeur sportif du tennis de table et de la FFH, l’établissement a accepté d’aménager un peu l’emploi du temps de Lucie », explique Claire, sa maman. L’organisation repose sur la motivation de tous. Le mercredi, sa mère va la chercher à l’internat pour l’emmener au tennis de table. Le jeudi, Lucie prend un taxi, grâce à l’aide du comité régional handisport Ile-de-France pour rejoindre sa salle, à Voisins-le-Bretonneux et le vendredi, un entraîneur du club effectuera le déplacement dans l’établissement, où le suivi kinésithérapie et médical est intégré dans l’emploi du temps hebdomadaire de l’élève.
Déterminée, Lucie Hautière, est habituée à repousser les limites. Les siennes et celles que certains fixent, à tort, pour elle. En CP, son instituteur doutait de sa capacité à lire et écrire. Mais Lucie Hautière et sa famille refusent la fatalité. Et trouvent un établissement hors-norme à Vaucresson (Hauts-de-Seine). Le Lycée EREA Toulouse-Lautrec, où la jeune fille est interne depuis le CE2, est un Etablissement Régional d’Enseignement Adapté. « C’est un établissement public, totalement adapté aux personnes en situation de handicap moteur, également ouvert aux valides, développe la pongiste qui aimerait, après le bac, poursuivre des études dans le journalisme et/ou la communication. Il y a environ 70 % de personnes handicapées et 30 % de valides. Dans ma classe, actuellement, nous sommes huit. Rarement les classes dépassent quinze élèves. »
Un avenir qu’elle espère tracer via le Creps de Talence et le Centre Fédéral Handisport. « J’aimerais bien si un pôle tennis de table, ouvre, en faire partie. » Cela lui permettrait à coup sûr de continuer à mener de front son double projet sportif et professionnel.
En attendant, Lucie Hautière, 3e par équipe lors de son premier open international en Belgique en 2017, doit continuer sa progression. Après le tour individuel N3, à Chantilly, de samedi (si la neige ne l’empêche pas d’y aller), elle préparera l’open d’Italie, non loin de Venise (en mars). // J. Soyer