François, comment abordez-vous ces Jeux Paralympiques ?
François Carcouët : Je les aborde complètement différemment de ceux de Londres et Rio. Je souhaitais fermer cette page de ma vie mais le contexte fait que ça va être totalement différent. Je ne sais pas à quoi m’attendre. On est allé fin mai à Tokyo pour le World Grand Prix en mai dernier et on était déjà dans les mêmes conditions. C’était important de le vivre pour se familiariser aux restrictions et mesures sanitaires. Cette année, mais c’était prévu avant la pandémie, les arbitres ne sont pas au village. On a moins d’interaction avec les sportifs. Je m’attends à vivre un tournoi international classique, pas des Jeux, surtout que nous n’avons pas le droit d’aller sur des sites autres que ceux sur lesquels on intervient.
Le huis clos va aussi nuire à l’ambiance…
F.C : C’est un fait. Il n’y aura pas ce côté grisant d’officier dans un stade où il y a entre 3 000 et 5 000 personnes. Mais pour le jeu, c’est presqu’un avantage. Ça fait un paramètre en moins à appréhender. A Londres, des occasions de but ont été annulées parce que le public s’est mis à vibrer. Après, il va y avoir le paramètre de retransmission télé.
Cela impacte le jeu ?
F.C : Non mais cela met un peu de pression… positive. C’est une discipline qui était confidentielle, mais il y a de plus en plus de retransmissions (notamment sur les réseaux ou Youtube…). Ça tire vers le haut.
Aurez-vous un autre rôle que celui d’arbitre sur ces Jeux ?
F.C : Non. Je suis arbitre international. Par mon expérience, je dois évidemment montrer l’exemple. Lors des briefings et des debriefings, les anciens partagent leur vécu et peuvent donner quelques conseils aux plus jeunes collègues. Sur ce point-là, on s’entend bien avec le coordonnateur. Mais à Tokyo, le corps arbitral est expérimenté.
Quel lien avez-vous sur les épreuves, et notamment les Jeux, avec l’équipe de France ?
F.C : C’est surtout un lien visuel. Mais une fois encore, comme cette fois-ci, nous ne sommes pas au village, ils vont être très rares. Aux Jeux, de toute manière, on se croise généralement moins souvent que sur un championnat du monde ou d’Europe. Sur ces épreuves, tout le monde est souvent réuni dans un même hôtel.
Au World Grand Prix, j’étais sur le terrain comme arbitre pour France – Japon. Ce ne fut pas simple. Je ne sais pas s’il est possible que j’arbitre la France mais je peux me retrouver à la table de marque ou sur le poste de 3e ou 4e arbitre. Ça peut être intéressant au niveau de la langue avec le banc de touche.
Cela ne doit pas toujours être simple de garder ses sentiments pour soi ?
F.C : Effectivement. Lors de la finale des Jeux de Londres je pleurais dans les tribunes. Investi dans le cécifoot en France, voir l’équipe de France en finale, ça remue. L’autre jour, quand j’ai arbitré les Bleus contre le Japon au World Grand Prix, entendre La Marseillaise en étant sur le terrain, ça fait quelque chose.
Vous avez connu Londres, avec l’équipe de France présente à Rio, sans l’équipe de France. Ça change quelque chose ?
F.C : Oui, un peu, en termes d’échange. Mais ces derniers temps la période n’a pas favorisé les échanges. J’aurais aimé qu’un arbitre français aille en Espagne, mais ça n’a pas pu se faire pour diverses raisons. Pourtant, je pense que ça peut aider les joueurs d’avoir une vision d’arbitre. Ils peuvent mieux comprendre pourquoi parfois on siffle et d’autres fois non. On peut aussi leur donner quelques astuces. Mais en général, les Français sont expérimentés et connaissent bien les arbitres du circuit.
Pouvez-vous transmettre des informations au staff des Bleus pendant un tournoi ?
F.C : Oui. On se tient au courant, on s’échange des infos. Je peux aussi être un facilitateur par rapport à la langue. Je peux confirmer des infos nouvelles ou les avertir de certains changements afin d’éviter que l’équipe ne découvre des paramètres négatifs et perturbants au dernier moment.
Le temps effectif a-t-il changé quelque chose pour vous ?
F.C : Déjà, c’est nettement plus clair pour tout le monde. Avant, il y avait certaines situations où on arrêtait le chrono et d’autres pas. Cela pouvait engendrer des confusions pour les spectateurs. Il pouvait y en avoir pour les arbitres aussi. Depuis 2017, on arrête le temps à chaque sortie de balle et c’est plus clair pour tout le monde. En plus, la grande majorité des arbitres est issue du futsal où on applique toujours le temps effectif.
Et au quotidien, en tant que responsables des arbitres en France, quels sont vos liens avec l’équipe de France et son staff ?
F.C : Avec l’année que l’on a vécu ce fut un peu plus compliqué. J’échange de temps en temps avec Charly Simo, le directeur sportif de la discipline.
Existe-t-il une relève en termes d’arbitres en France ?
F.C : Oui. Il y a du monde derrière mais elle doit gagner en expérience au niveau international. J’ai pu envoyer un arbitre à La Coupe d’Afrique à l’automne 2019 et un autre à l’Euro groupe B, en mars 2019. J’ai envie qu’ils puissent être désignés à l’international… Il y en a de plus en plus et des bons. J’attends avec impatience que le World Grand Prix se tienne en France, avant Paris 2024. On aura forcément des Français impliqués. Ils vont gagner en expérience internationale.
Serez-vous à Paris 2024 ?
F.C : Je ne sais pas. Il y a la vie personnelle et la vie professionnelle. En tant que cadre supérieur au laboratoire du CHU de Nantes, ces dix-huit derniers mois ont été très denses. En tout cas c’est un crève-cœur parce que quand on est investi dans un sport, le voir se produire aux Jeux à domicile est quelque chose de grand.
Rédaction : J. Soyer
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