1Kinésithérapeute de profession, Emmanuelle Benays est entrée dans le mouvement handisport et la commission escrime par ce biais. Depuis 2016, elle a embrassé la fonction de classificatrice nationale pour ladite commission. Et depuis trois ans, elle officie également à l’international.
Emmanuelle Benays, pouvez-vous revenir sur vos premiers pas dans l’escrime handisport ?
Emmanuelle Benays : Je sortais de chez mon comptable et l’invitée d’honneur de la foire internationale de Nantes, où je vis, était Laura Flessel. Je voulais faire de l’escrime et elle m’a dit que l’on pouvait pratiquer ce sport de 7 à 77 ans. Du coup je m’y suis mise. Dans mon club des Floralies, il y avait une section handisport. J’y ai rencontré le responsable haut niveau de l’escrime handisport, qui était le père d’une licenciée. C’est ainsi que je suis entrée dans le mouvement. C’était en 2012. J’ai fait ensuite toute la dernière paralympiade de Rio comme kiné. C’était très chronophage parce que je suis installée comme kiné en libéral.
Vous vous êtes donc dirigé vers la classification.
E. B : Je m’étais engagée auprès de ma famille à ne plus m’absenter autant pour l’escrime et j’ai vu que la commission manquait de classificateur, notamment au niveau national mais également au niveau international. Au bout de deux ans, je me suis donc renseignée auprès de maître Pascal Godet, le directeur sportif de l’escrime handisport à l’époque. J’avais envie de bien comprendre les logiques de classification et toutes les subtilités qui en découlent. Pascal Godet a mis en place une formation nationale à Sarrebourg. J’ai ensuite tout fait pour continuer et c’est naturellement que je me suis orienter vers la formation de classificatrice international et je suis donc devenu depuis 2018 classificatrice internationale.
Quel fut exactement votre parcours pour devenir classificatrice internationale ?
E. B : Il faut être dans le médical (médecin ou kiné) ou technicien. En France, un technicien ne peut pas assurer seul une classification nationale quand un classificateur issu du médical le peut. A l’international, on est toujours deux. Comme je suis kiné, je pouvais postuler. Il faut aussi s’engager à ne plus être kiné pour son équipe nationale afin de ne connaître aucun conflit d’intérêt.
J’ai donc demandé à Pascal Godet s’il était possible de se former au niveau national. Il est parvenu à organiser une formation en France, à Sarrebourg pour obtenir le statut de classificateur national. Il y avait des Français (notamment le médecin de l’escrime handisport), des Allemands, un Grec… Mais tous ont pu devenir, à l’issue de cette formation, des classificateurs nationaux pour leur pays. Ils ne pouvaient pas officier à l’international même si la formation était dispensée par un classificateur international senior russe et en anglais.
Pour atteindre l’international, il faut suivre une formation théorique dispensée par la fédération internationale. Cette formation est souvent proposée lors d’une épreuve. Ensuite, on est stagiaire sur de nombreuses épreuves afin d’être évaluée par des classificateurs internationaux titulaires. En général, comme il faut avoir vu de nombreux cas, il fait compter deux ans environ avant d’être officiellement classificateur (ice) international.
Quels sont les grands axes de classification en escrime handisport ?
E. B : Il y a trois catégories : A, B et C. La classe A, divisée en deux sous-classe, A3 et A4, regroupe les sportifs les plus valides. La classe C n’est pas éligible au sein du mouvement paralympique. Les tireurs de la catégorie C peuvent participer à des championnats du monde et des championnats d’Europe mais ne pourront pas participer aux Jeux paralympiques. En catégorie A, il y les A3 et les A4. La classification internationale est en train de changer complètement parce que l’on attache davantage d’importance à l’impact de la spasticité sur le geste technique.
Existe-t-il une approche différente au niveau national et au niveau international ?
E. B : Comme je suis la responsable de la classification au niveau national, je demande un dossier en français et en anglais, qui est la langue officielle dans le monde de la classification.On est donc paré pour faire de l’international directement.
Au niveau international, on ressent un degré d’exigence beaucoup plus élevé, notamment pour ce qui est des documents fournis dans le dossier médical. Mais en France aussi, on ne se base que sur des critères internationaux pour ne pas engendrer de déception ensuite. Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures.
La vrai différence réside dans le fait qu’en concertation avec Alain Febvre, l’actuel directeur sportif, on travaille actuellement sur un projet de création d’une classe non-éligible pour les athlètes n’ayant pas les critères minimums d’éligibilité selon les critères de classification international en escrime. Les sportifs concernés pourraient participer à des compétitions sur le territoire national. Mais il faut bien préciser que les sportifs qui se verront attribuer une classe Non Éligible ne pourront pas participer à des compétitions internationales référencées.
Pourquoi ?
E. B : Pour combler un vide pour ces athlètes qui ne peuvent actuellement pas participer, ni à des épreuves valides, ni à des épreuves handisport. Mais aussi afin d’avoir plus d’athlètes sur le circuit national ce qui entraîne une plus forte émulation pour l’ensemble du mouvement et donc plus de confrontations et d’épanouissement pour tous y compris pour nos internationaux.
Quelles sont vos satisfactions dans l’exercice de ce rôle ?
E. B : Je peux bien comprendre les subtilités de la classification en escrime puisque chaque sport à ses spécificités, ses règles de classification établies dans un code international. On recherche et on favorise l’équité et la justesse. Comme un arbitre ou un juge-arbitre. On n’est donc pas des bourreaux. On doit être respecté. En plus lors d’une classification internationale d’un Français, je dois me mettre en retrait. On ne peut, au mieux, que me demander mon avis. Il ne doit pas y avoir de conflit d’intérêt. Il y a aussi le plaisir de pouvoir suivre nos sportifs, celui de sortir sur des épreuves et de rester dans le mouvement handisport. On peut aussi voir d’autres cas que ceux de nos patients habituels.
Il y a aussi une grande responsabilité ?
E. B : On n’est pas des marchands de tapis, on applique des règles qui sont écrites dans les codes de classification internationaux. Contribuer à cette équité est une satisfaction.
L’expérience nous permet aussi de répondre à pas mal de situations. À l’escrime, on évalue la force musculaire. Ça ressemble aux bilans effectués quand on travaille. La classification est assez proche de ce que l’on fait tous les jours. On sait comment les sportifs peuvent compenser ou minimiser leurs aptitudes musculaires. Cela peut nous aider à être encore plus juste. On est aussi en perpétuelle évolution et réflexion au niveau international ce qui rend notre rôle encore plus passionnant.
Les candidats à la fonction de classificateur déposent leur candidature auprès de la commission sportive de leur discipline. Celle-ci met en place une formation spécifique à sa discipline. Elle comprend obligatoirement une session transversale dans laquelle les futurs classificateurs apprennent les bases du code de classification nationale. Les autres UC disciplinaires (médical et/ou techniques) complètent ensuite ce module. Le format et les contenus demeurent propres à chaque sport en fonction des indications des instances internationales. Cette formation, à destination d’une mission régionale ou nationale, doit être supervisée par le classificateur référent souvent au statut international ou un classificateur national formé ayant un certain nombre d’année d’expérience voir dans certains cas un classificateur international. Pour garder une certaine cohérence entre les disciplines, le référentiel de formation est identique pour tous. Le classificateur est considéré et assimilé à un acteur officiel de la fédération, comme un juge ou un arbitre.
Rédaction : J. Soyer
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