Babacar Niang vient de transformer le dernier penalty et d’envoyer la France sur le sommet européen. Les Bleus peuvent laisser éclater leur joie. Tourner en cercle, se congratuler, pendant que Charly Simo, à l’écart verse quelques larmes. Le directeur sportif du cécifoot français savoure ce troisième titre de champion d’Europe de la France, après ceux de 2009 et 2011. « Il y a beaucoup de joie et de fierté, » reconnaît-il. « Je remercie ce staff formidable, pour la plupart composé de bénévoles, quand nos adversaires turcs ou anglais, respectivement deuxièmes et troisièmes, sont tous professionnels. »
Invaincus en poule, où ils avaient notamment dominé la Turquie (2-1) qu’ils ont à nouveau battu en finale (0-0, 2-1 t.a.b), les Français ont puisé dans leurs ressources pour éliminer l’Allemagne en demi-finale (2-2, 1-0 t.a.b.). Menés à deux reprises, ils sont revenus deux fois au score… avant de s’imposer aux tirs au but, déjà grâce à Babacar Niang.
Après les titres continentaux en 2009 et 2011 et la finale de 2019, les Tricolores confirment leur place au sommet de l’Europe. Charly Simo, qui salue aussi l’incroyable travail de l’entraîneur Toussaint Akpweh et l’aide précieuse d’Emmanuelle Coubat, qui travaille à l’Insep comme accompagnatrice des staffs, revient sur cette performance de premier choix et cette belle semaine française.
Charly, quel sentiment vous anime après ce troisième titre européen ?
Charly Simo : Toute l’équipe, les joueurs, le staff et moi-même, sommes animés par un sentiment de fierté. On a fait confiance en de jeunes joueurs, en termes de pratique, de présence à ce niveau-là (Sow, auteur de deux buts, ou des joueurs moins utilisés par le passé, Miguez, Rivière…) On a aussi fait confiance à de nouvelles personnes dans le staff : je pense à Rémi Garranger, entraîneur de l’équipe de France espoir, qui nous apporte beaucoup sur la vidéo. On a aussi progressé sur le poste des gardiens grâce au travail de Willy Busson, entraîneur des gardiens qui travaille avec nous depuis huit mois. Tous ont apporté une autre dynamique. Au regard des sacrifices que cela représente, ce titre est mérité. J’ai toujours cru en ce groupe et en ce staff. C’est vrai qu’il y a des difficultés mais ce sont des signes que la vie nous envoie et je fais confiance à la vie. J’ai un staff avec lequel il y a une totale confiance. Peu importe le résultat de la finale, je savais que nous pouvions être fiers. Dès la fin du premier match, j’ai compris que je pouvais compter sur ce groupe, sur ces mecs. La chance et le destin suivent les grandes équipes, celles qui ont une seule âme, où tous ses membres avancent dans la même direction. On donnera le maximum jusqu’à Paris.
Comment avez-vous su dès les premiers matches que vous pourriez compter sur ce groupe ?
C. S : Dès le premier match, nous sommes menés contre l’Italie et nous gagnons 2-1. C’est un signe parce que nous étions quand même dans une vraie spirale de défaites. Depuis cette finale de l’Euro 2019, perdue contre l’Espagne (3-1), nous n’avions pas gagné un match officiel. Ne pas avoir paniqué malgré cette ouverture du score italienne a été un vrai signe. Contre les Turcs, en poule, c’est pareil, on a su revenir et s’imposer 2-1. Les joueurs ont démontré très vite leur solidité, porté par leur capitaine, Babacar Niang, véritable relais du staff et meneur dans les attitudes, tant sur le terrain, qu’en dehors.
Sur quels leviers vous êtes-vous appuyé pour reconstruire après les Jeux de Tokyo ?
C. S : Après Tokyo, nous avons accepté l’échec et nous avons été très lucides. En tant que manager, je ne perds jamais, j’apprends ou je gagne. Aujourd’hui, on a gagné. ÀTokyo, nous étions dans une situation d’apprentissage. Il ne faut pas toujours avoir beaucoup de talent pour gagner. Il faut surtout avoir une équipe qui tire dans le même sens. On a gagné cet Euro grâce au collectif, staff et joueurs réunis. Nous avons tous pensé de la même façon, nous avons une seule vision. Chacun est à sa place et connaît sa fonction précise. Il y a aussi un projet pour chaque personne du collectif. Mon rôle, à travers les échanges que j’ai avec chacun d’eux, est de les accompagner dans leur mission et leur ambition afin que ce collectif progresse, avance et gagne ensemble.
Cette unité vous a permis de renverser autant de situations durant cet Euro ?
C. S : Exactement. À chaque fois que nous avons été menés, nous sommes revenus et nous avons gagné. On remporte cet Euro en gagnant tous nos matches. On n’a jamais paniqué. On a su rester serein, on a gardé notre confiance en nous, en ce groupe. Nous avons su être patients.
Est-ce l’expérience des Jeux qui a permis à ce groupe de gagner en maturité ?
C. S : Non, je ne pense pas. Les défaites aux Jeux nous ont plombés. La maturité est davantage venue du discours tenu aux joueurs, de leur prise de conscience et de l’attitude de la Fédération.
Comment ça ?
C. S : Personne ne croyait plus en nous. Nous leur avons juste dit que désormais tout dépendait de nous. Qu’il nous revenait de savoir ce que l’on voulait avoir comme projet, quel héritage nous voulions laisser, ce que nous voulions montrer aux déficients visuels en général. On sait très bien que le cécifoot est la discipline ambassadrice des sports DV en France. Nous sommes le seul sport collectif DV à avoir été médaillé aux Jeux. On ne peut pas nous enlever ça. Nous avons donc incité les joueurs, via un projet individuel, à se donner tous les jours dans leur club respectif, à travailler dur pour arriver prêts physiquement et techniquement en stage, afin que nous puissions nous concentrer sur le travail tactique et d’équipe pour être performants.
Ce n’est pas de la magie, mais chacun a vraiment donné de son temps, joueurs et staff compris, composé majoritairement de bénévoles. La nature a récompensé les efforts de chacun d’eux. Je pense que notre grande force est d’avoir compris que nous travaillons avec des humains.
Maintenant, place aux Mondial 2023 à Birmingham ?
C. S : L’objectif prioritaire était de se qualifier pour le dernier carré afin de valider notre billet pour ces Mondiaux. On était dans une spirale très négative. Nous ne pouvions pas imaginer, dès le départ, que nous allions ramener ce titre européen, mais on ne va pas s’en contenter. Par ailleurs, on voulait montrer à la France que nous avions notre place à Paris. Et les champions continentaux sont qualifiés d’office pour les Jeux de Paris 2024. On n’y sera donc pas uniquement en tant que pays organisateur, on sera aux Jeux de Paris en tant que champion d’Europe. Nous méritons pleinement notre place. Pour les joueurs, c’est très important. Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup d’euphorie, parce que nous sommes conscient de là où on vient et on sait où on veut aller.
Où ça alors ?
C. S : On va travailler dur parce que notre objectif est de monter sur le podium à Paris. Les joueurs ont compris que pour gagner, il faut se préparer, qu’on ne peut pas improviser. La France peut compter sur nous, on se battra à Paris.
Rédaction : J. Soyer
Babacar, joueur sans frontières
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