L’équité est la quête principale du processus de classification, indispensable pour organiser une compétition et attribuer des titres. C’est pour cela que chaque sport possède son code de classification. « La classification prétend mesurer le handicap », poursuit Vincent Ferring, classificateur international en athlétisme et kinésithérapeute. « Soit l’impact de certains déficits (physique, visuel ou auditif) liés à une maladie innée ou acquise, sur le geste technique. » Un seuil de handicap minimum est nécessaire pour intégrer le mouvement paralympique.
Dans de nombreuses disciplines, les collèges de classificateurs internationaux ont fait évoluer le seuil d’éligibilité. « Toute personne en situation de handicap ne peut pas prétendre disputer une compétition paralympique et/ou handisport », insiste Emmanuelle Benays, classificatrice internationale en escrime.
En 2013, les règles d’éligibilité en tir à l’arc ont été revues. Et 120 archers sont devenus inéligibles au niveau international. « L’impact lié au handicap sur la pratique était jugé trop minime », résume en substance Hervé Toggwiler, qui compte parmi les cinq formateurs internationaux.
L’équité est garantie par trois fondements majeurs. Le premier est le panel de classificateurs. Toutes les classifications sont effectuées devant au minimum deux ou trois classificateurs. « Cette année, j’ai été le seul classificateur international à pouvoir effectuer des classifications parce qu’aucun autre de mes homologues ne pouvait se déplacer », cite en exemple Vincent Delorme, responsable de la classification dans le ski français et classificateur international. « Toutes celles effectuées durant cette période sont provisoires puisque réglementairement une classification se fait devant un panel de deux classificateurs. » Les classificateurs sont souvent des personnes du paramédical ou du médical ayant une vraie connaissance de la discipline.
Pour le ski, comme pour de nombreuses autres disciplines, la volonté de l’IPC et/ou des fédérations internationales est de grossir le pool de classificateurs internationaux. « Ils sont trop peu nombreux et dispatchés aux quatre coins du monde », souligne Vincent Delorme. « Ils envisageaient de régionaliser des pools pour anticiper les problèmes rencontrés à cause de la pandémie. » Renouveler et/ou recruter de nouveaux classificateurs permet aussi une remise en cause de ceux déjà en poste.
Le deuxième fondement de l’équité est la formation et les échanges continus des classificateurs. Le tir à l’arc n’en reconnaît que 13 actifs à l’international. « Ce sont ceux qui suivent la formation continue mise en place tous les deux ans. » De la même manière, Vincent Delorme, reste dans « un processus d’analyse et de certification continue ».
Séverine Crampe, en charge de la classification du rugby-fauteuil en France et classificatrice internationale, corrobore. « Nous ne faisons pas que classifier des sportifs sur des tournois, il y a aussi tout un travail de fond en continu. Au sein des différentes instances, on essaie de le faire évoluer. Tout cela est fait pour mettre en place un système optimum, transparent et adapté. »
L’autre fondement est de maintenir le système vivant et en perpétuelle évolution. Le manuel de classification du rugby-fauteuil, à titre d’exemple, en est à sa quatrième révision depuis 1996. « Ce sport a historiquement été inventé pour les tétraplégiques. Mais au fil du temps, il a évolué avec l’intégration de nouveaux profils de joueurs qui n’étaient pas aptes à pratiquer d’autres sports collectifs », ajoute Séverine Crampe. « C’est donc devenu le sport collectif des grands handicaps. On retrouve des sportifs présentant des maladies neurodégénératives… Il a donc fallu mettre en place un système de classification adapté. » En ce qui concerne les personnes présentant des amputations, un système d’étude spécifique prendra effet en octobre 2021. Soit après les Jeux Paralympiques de Tokyo, reporté à l’été 2021, afin que les règles de classification en vigueur pour les qualifications aux Jeux soient les mêmes que pendant l’épreuve.
Le changement de grille concernant les amputés, comme celui en réflexion pour les cérébro-lésés, vise à limiter les interprétations. Cela limite forcément les impressions d’injustice ressenties par certains sportifs. La pédagogie est aussi un facteur déterminant dans la lutte contre l’inéquité supposée. « Les décisions sont mieux et plus souvent comprises et acceptées quand elles sont expliquées », affirment tous les classificateurs. Séverine va plus loin : « Quand il y a de la pédagogie, qu’un club a dans son staff une personne formée à la classification, on observe moins de contestation », constate-t-elle. « Le manuel de classification est en libre accès sur le site de la fédération internationale donc quand on fait du handisport, ça fait partie des choses à connaître de la même façon que l’on doit connaître les règles du jeu. » Cela vaut autant pour les joueurs que pour les staffs. Ces derniers peuvent aussi être sanctionnés s’il est démontré qu’ils n’ont pas pleinement collaboré à la classification.
En ski assis, il y a cinq classes définies en fonction du niveau de déficience. En ski debout, il y en a un peu plus. Dans chaque catégorie, des coefficients permettent aux athlètes, quelle que soit leur catégorie, d’avoir tous autant de chances de décrocher un podium. « Ces coefficients sont réévalués chaque année », ajoute le classificateur français. « Et ils diffèrent en fonction des épreuves aussi. Si ce sont des épreuves techniques ou de vitesse. »
Chacun doit aussi avoir bien conscience que chaque catégorie ou classe, est une fourchette au sein de laquelle il existe donc de petites variations. « Mais le système est étudié et travaillé pour que chacun ait autant de chances de gagner que ses adversaires. »
Rédaction : J. Soyer
La classification pour les nuls
Pourquoi la classification ?
Emmanuelle Benays : classificatrice nationale et internationale escrime
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